Première d’une série de séminaires et conférences à l’Université Internationale de Tunis, la Rencontre Universitaire Tuniso-Allemande du 27 Octobre 2016 a démarré dans le nouvel Amphithéâtre « Ckeikh Mohamed Salah Ennaifer ».
Après l’inauguration de cette première rencontre, une conférence-débat intitulée « Regards croisés sur le constitutionnalisme contemporain » s’est tenue pour traiter de problématiques fondamentales et d’actualité en Tunisie avec une approche comparative avec le droit constitutionnel allemand. Les thématiques soulevées lors de cette conférence-débat sont les rapports entre Etat et Religion, les rôle et prérogatives de la cour constitutionnelle pour conclure sur les « garde-fous » ou « garanties » proposés dans le cadre de la constitution, de son application c’est-à-dire la constitutionnalité au service de la Démocratie.
La dernière partie de la journée était un panel de discussion sur les échanges académiques et pédagogiques entre la Tunisie et l’Allemagne en évoquant les avantages, les limites de la coopération ; essentiellement linguistiques et le rôle que la Sarre, sa francophilie et sa « Frankreichstrategie » peuvent jouer pour accélérer ce processus.
La Présidente et fondatrice de l’UIT; Mme Héla ENNAIFER TEBOURBI a d’abord salué ce partenariat avec la Konrad-Adenauer-Stiftung et l’Université de la Sarre qui rentre dans le cadre des partenariats Tuniso-Allemands initiés à l’université depuis 2012 en mentionnant quelques réalisations dans ce cadre.
L’intérêt de la coopération stratégique Tunisie-Allemagne réside d’abord dans le rôle historique, idéologique et géographique que joue la Tunisie dans la région du Maghreb, du bassin méditerranéen et dans les échanges euro-africains et surtout dans la réciprocité et complémentarité des échanges possibles entre les deux pays. Il ne s’agit pas de faire l’aumône, louer, hypothéquer ou vendre nos Etats mais d’un échange gagnant-gagnant. Elle reprend à cet effet une citation du Dr Hardy OSTRY disant que « nous sommes des partenaires, et non des bailleurs ».
La remerciant et félicitant tous les invités, Dr OSTRY a été particulièrement ému et fier par la réalisation de ce partenariat entre les Université de la Sarre, Université Internationale de Tunis, le Centre Juridique Franco-Allemand et la Konrad-Adenauer-Stiftung qui survient à la fin de son mandat en Tunisie.
Rappelant l’historique de ce partenariat qui a vu le jour suite à la visite de la Ministre-Présidente de la Sarre Mme Kramp-Karrenbauer les 20 et 21 Octobre 2015, invitée par la KAS et accompagnée d’une délégation économique et scientifique avec une réflexion menée sur les chemins d’une coopération tuniso-sarroise : l’avantage du partenariat avec un Land en Allemagne est la rapidité d’action par rapport à un partenariat national.
Déjà en Mars 2016, la coopération entre les deux universités a commencé à prendre forme, ainsi qu’un autre partenariat dans la formation professionnelle. La rapidité des actions menées est également due à la stratégie d’internationalisation de la Sarre qui se veut redevenir sur une génération un état bilingue.
Pour la KAS, organisme qui promeut la démocratie, un tel partenariat qui se concrétise entre l’UIT et le CJFA en matière juridique et sur l’Etat de Droit est crucial et très symbolique : Cinq ans après la révolution, le Droit reste le domaine le plus important pour construire, échanger et partager les expériences, en l’occurrence dans le constitutionnalisme.
Dr OSTRY conclut en montrant sa joie d’avoir accompagné ce processus pour l’avenir et s’engage à le suivre, reprenant une phrase qui semble banale à première écoute : « La démocratie a toujours besoin de démocrates », mais qui trouve tout son sens avec la mauvaise expérience allemande de la République de Weimar, où toutes les composantes démocratiques institutionnelles étaient existantes, mais l’esprit et la sensibilité démocratiques avaient manqué souhaitant que celles-ci persistent en Tunisie.
Prof. Philippe Cossalter commence son discours en appuyant la dernière idée du Dr. OSTRY avec une citation de Georges BERNANOS « Ce n’est pas la règle qui nous garde, c’est nous qui gardons la règle ».
Se réjouissant du partenariat, et lui-même surpris qu’à travers le Droit français, il réalise une coopération renforcée avec le Monde Arabe, et qu’à travers une université allemande, qui certes est très francophile il établisse une coopération avec la Tunisie. Résultat de deux ambitions ; celle de la Ministre-Présidente de la Sarre et sa « Frankreichstrategie » mentionnée par Dr. OSTRY qui trouve ses racines dans l’histoire du Land, qui a tantôt été français, tantôt été allemand et celle du Germanisme et Germanophilie de l’Université Internationale de Tunis, à l’instar de ses vice-président, Directeur mais aussi chefs de Départements, parfaits germanophones issus de l’Université allemande ainsi que la volonté du partenaire qu’est la Konrad-Adenauer-Stiftung.
Dans cette bonne volonté de coopération, Prof. COSSALTER rappelle les difficultés d’un partenariat tuniso-allemand aux niveaux linguistiques et culturels en mentionnant le rôle que joue le Centre Juridique Franco-Allemand au sein de la Faculté de Droit de l’Université de la Sarre dans l’établissement d’un tel partenariat. Fondé en 1955 et administré par la France, le Centre d’Etudes Juridiques a basculé en Allemagne après le Referendum de 1957, il exprime sa volonté de voir dans quelques années naître une génération des juristes binationaux tuniso-allemands et parfaitement bi- et trilingues pour faire des études supérieures, travailler, écrire des thèses entre la Tunisie et l’Allemagne.
N’ayant pas pu assister physiquement à l’évènement et regrettant son absence due à la tenue du Dialogue 5+5 à Marseille où il représente l’Union du Maghreb Arabe, Mr Taieb BACCOUCHE a envoyé une vidéo aux participants dans laquelle il félicite les organisateurs de la Rencontre Universitaire Tuniso-Allemande qui représente une première, vu qu’elle traite les constitutions tunisienne et allemande dans une approche comparative.
Le secrétaire Général de l’UMA ajoute que la coopération universitaire tuniso-allemande doit être renforcée, thème évoqué lors de sa rencontre avec le Ministre Fédéral des Affaires Étrangères Mr Frank-Walter STEINMEIER, il ajoute que le programme établi entre les deux universités et la fondation pourrait s’intégrer dans un cadre plus global des relations Euro-Maghrébines avec la mise en place d’un Centre Juridique Maghrébin en partenariat avec l’UMA et son institution juridique de Nouakchott, bénéficiant aussi de l’expérience du CJFA. Pour Mr BACCOUCHE, la recherche scientifique et le Droit sont des vecteurs de rapprochement entre les pays du Maghreb avec une ouverture sur l’environnement Euro-Méditerranéen, souhaitant à la fin de son intervention aux travaux et débats un plein succès.